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La politique par la preuve
2 septembre 2006

«Les dirigeants pensent global, les salariés voient local»

logov5hover Dans son livre « Divorce à la Française », Hubert Landier détaille trois dérives observées lors de missions comme consultant social pour les directions d'entreprise. Pour lui, un fossé de plus en plus important se creuse dans l'entreprise entre « ceux d'en haut et ceux d'en bas », entre « les jeunes et les vieux », mais aussi entre « les salariés et leurs représentants ». Bonnes feuilles. »Ceux d'en haut et ceux d'en bas*« D'UNE ENTREPRISE à l'autre, le point de vue est toujours le même, répété sur tous les tons : la direction est lointaine, on ne voit jamais les dirigeants, ils sont dans leur tour d'ivoire et ils ne tiennent pas compte du point de vue des gens du terrain... Juste un problème de communication ? Ce serait trop simple. En fait, les uns et les autres ont cessé d'appartenir à un même monde ; les dirigeants pensent « global », les salariés, sur le terrain, voient « local ». [...] Il en résulte une incapacité à se comprendre, qui risque à tout moment de tourner au procès d'intention et au conflit, ouvert ou larvé. [...] Il est fréquent, en conséquence, que les personnes interrogées affirment ne pas avoir confiance en la direction générale : sait-elle où elle va ? Sa politique est-elle réellement conforme à l'intérêt de l'entreprise ou ne roule-t-elle pas pour des intérêts financiers extérieurs. Dit-elle toute la vérité au personnel ? Cette défiance se manifeste d'autant plus que la direction est plus lointaine et les turbulences que traverse l'entreprise sont plus fortes. Les Français sont en effet persuadés que leurs chefs « savent tout » ou « devraient tout savoir ». Pour eux, il est difficile d'admettre qu'ils puissent eux-mêmes se trouver dans l'incertitude devant l'évolution imprévisible des événements [...]. Voilà pourquoi, dans l'entreprise française, les restructurations et les licenciements collectifs sont d'abord vécus comme le résultat d'une trahison ou d'un manque de compétences. [...] Ce qui est également en cause, c'est le contenu de l'enseignement que (ceux d'en haut) ont reçu. [...] Quelle est l'image que les élèves d'une prestigieuse (grande école) de l'ouest parisien, à quelques mois de leur premier emploi, se font des représentants du personnel ? La réponse est quasiment unanime : ce sont des « emmerdeurs » ; les commentaires confirment qu'ils n'en connaissent pas le rôle et que la description qu'ils en donnent relève du préjugé pur et simple. [...] » »Les jeunes et les vieux*« Les tensions sociales et une bonne partie des mouvements de grève en France, au moins dans le secteur privé, s'expliquent par des rapports difficiles entre anciens et nouveaux. Mettez un ancien à la tête d'une équipe de jeunes, ça grince ; mettez un jeune à la tête d'une équipe d'anciens, ça grince également. Leurs appréciations réciproques sont dominées par un jugement critique plus ou moins prononcé. Parfois ça se passe bien. De part et d'autre, il y a souvent beaucoup de bonne volonté ; les vieux apprécient la capacité d'adaptation des jeunes ; les jeunes apprécient l'expérience des anciens. Il n'empêche. Cela ne va pas de soi. En toute bonne foi, il arrive souvent qu'ils ne se comprennent pas. C'est que les uns et les autres n'ont pas le même référentiel en tête ; ils n'envisagent pas de la même façon le travail, leurs relations. Il existe donc, dans les relations de travail au quotidien des différences significatives d'une génération à une autre. [...] De la même manière que les baby-boomeurs, en accédant au pouvoir, ont fait évoluer, à leur manière, les organisations dont ils avaient hérité, les jeunes, en accédant à leur tour au pouvoir, contribueront eux-mêmes à les transformer. [...] L'organisation qui correspond (à leurs) attentes répond notamment aux caractéristiques suivantes : être fondée sur un contrat dont les termes soient clairs et équitables ; proposer des objectifs ou des missions auxquels il soit possible de s'identifier sur une échéance de temps relativement courte ; allier professionnalisme et convivialité, donner la possibilité d'évoluer personnellement ; changer les formes « agressives » d'autorité fondée sur la place occupée dans un organigramme par une autorité reposant sur la compétence et la capacité à aider ; substituer aux organisations rigides basées sur l'obéissance, des relations de travail fluides s'adaptant en permanence aux nécessités de l'action. De telles formes d'organisation sont également celles que l'on sait reconnues aujourd'hui comme étant efficaces. [...] Reste à savoir quel est le degré de résistance que leur opposeront les représentants de la génération précédente. »Les salariés et leurs représentants*« Les critiques exprimées par les salariés à l'adresse de leurs représentants se répartissent grosso modo de la façon suivante : ils sont peu présents sur le terrain ; ce sont surtout des anciens, et ils restent entre eux ; leur discours est dépassé ; ils veulent donner leur avis sur tout, mais ils ne sont pas compétents ; ils se montrent excessifs et trop vindicatifs ; ils manquent de crédibilité, ils sont peu représentatifs et défendent d'abord leurs intérêts ; ils ne s'entendent pas entre eux et font trop de politique ; ils gèrent mal le comité d'entreprise. [...] Certaines personnes insistent sur le fait que (ils) roulent d'abord pour eux. La protection légale dont jouissent les représentants du personnel se transformerait en rente de situation pour certains d'entre eux, qui craindraient autrement de se faire licencier, notamment pour inaptitude ou insuffisance professionnelle. [...] Le délabrement de la représentation du personnel tend à s'accélérer avec le renouvellement des générations. Aux militants convaincus, soucieux de participer, au travers de leur action, à une mission de transformation sociale qui les dépassait et donnait un sens à leurs efforts, tendent à succéder des aventuriers qui se servent du syndicalisme à des fins personnelles et qui détournent ainsi à leur profit des droits qui, pour leurs aînés, avaient représenté une « conquête sociale ». [...] Les centrales syndicales auraient tout intérêt, pour leur crédibilité, à se séparer de ces trop nombreux « moutons noirs ». [...] Les dirigeants d'entreprise, enfin, sont partie prenante de cette dérive. Combien d'entre eux ont-ils acheté la paix sociale en concédant des avantages personnels à leurs interlocuteurs ! [...] Et les responsables hiérarchiques [...] voient-ils d'un bon oeil un salarié jeune, dynamique, compétent et plein d'avenir engagé dans l'exercice d'un mandat de représentation ? [...] La médiocrité globale de la représentation du personnel renvoie ainsi fréquemment à la médiocrité de nombreuses politiques sociales. [...] Dans ces conditions, il ne sera pas facile de redresser la barre dans le contexte de départ en retraite de la vieille génération militante. »
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